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Première participation à une selection de textes libres pour évoquer la journée de la femme organisée par la mairie et bibliothèque de Six-Fours Les plages : tous les participants ont été récompensés et un texte a été choisi coup de coeur . Ensuite , certains d'entre nous ont lu leur texte au public. C'était la première fois que je me dévoilais devant un public adulte ....Grand moment de trac et d'émotions....J'avais rédigé une  nouvelle " Un thé aux embruns" que je vous joins en dessous des photos pour le plaisir. C'était à Six-fours à l'espace culturel André malraux , le samedi 8 mars 2014.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

~~Un thé aux embruns

 

Oublié dans ma poche, ce vieux ticket de caisse me rappelait à mes obligations matérielles. Je ne pouvais retarder indéfiniment cette échéance affligeante, il fallait bien remplir ces placards vides pour contenter ces petits ventres en demande. Pour me rendre au magasin, je longeai la mer. Le ciel était d'un bleu éclatant en ce début de mars. C'était trop tentant. Ou bien j'assumai mon rôle de mère de famille comme d'habitude et je continuai tout droit pour m'acquitter de ces courses ou alors je me garai et allai boire un petit cappuccino au bord de l’eau. Le temps filait à toute allure et je n'avais plus aucun moment de liberté. J'avais envie de me détendre, de souffler un peu, de ralentir ma vie en prenant quelques heures toute seule, rien que pour moi.

Finalement, en tout égoïsme assumé, je choisis la deuxième option. Et tant pis, si mes enfants me bouderaient parce que je n'avais pas ramené l'essentiel de leur vie c'est- à dire du Nutella. Tant pis aussi si mon mari prendrait une tête de labrador malheureux devant son omelette ce soir après m'avoir lourdement suggéré son envie de raviolis au pesto dès le petit déjeuner. Car j'avais tout simplement envie de capturer le temps. Toute cette routine, toutes ces corvées comme les courses, les sorties d'école, les goûters, les devoirs, les bains, les préparations des repas pendant des heures expédiés en quelques minutes sans aucun regard reconnaissant, toutes ces attentions qui emplissaient mon quotidien et dont je redoublais à l'égard des miens afin qu'ils fussent comblés ne me laissaient aucun répit, aucun moment de solitude.

Et j'en avais besoin. Me retrouver seule, l'esprit vide, juste pour penser à tout et à rien, sans contrainte. Ce fût donc sans aucun état d'âme que je stationnai ma voiture au bord de l'eau. J'avais oublié combien elle était lisse et brillante. Illuminée par les rayons flamboyants du soleil, elle apparaissait encore plus limpide en roulant sur le sable fin avec un bruit cristallin. Je m’attablai dans une brasserie avec vue plongeante sur ce bout de méditerranée, mes yeux brillaient d'allégresse. S'ils me voyaient ainsi, toute seule, que penseraient-ils de moi? Ils me trouveraient sans doute bizarre, là, à prendre du bon temps au lieu d'accomplir mes tâches ménagères ? Mais peu importait, mon regard s'imprégnait pleinement de cette étendue bleue qui se profilait devant moi. J'hésitai entre un thé ou un cappuccino. Un thé. Ce fut un merveilleux thé. Un thé tout simple, parfumé à la framboise mais surtout embaumé par les effluves d'iode qui réveillèrent en moi des images de ma jeunesse enfouies depuis bien longtemps par les aléas de ma vie de famille.

Je me revoyais défiler à tous les âges sur ce magnifique bord de mer de La Ciotat. D'abord déambulant sur mon petit vélo avec mon père tentant en vain de m'équilibrer sur mes deux roues hésitantes. Puis assise sur le sable fin , avec mon chapeau de paille, entourée de toute ma panoplie de jouets en plastique, prenant le temps de plonger abondamment mes petites mains dans la douce poudreuse jaune pour la tâter, la tamiser , la modeler, la façonner selon mes inspirations. En apercevant le monument des Frères Lumières, l’image de deux petites filles, ma sœur et moi, en patins à roulettes, glissant à tire-larigot sur les pavés de goudron rose en contournant inlassablement l'édifice, se distinguait dans les vapeurs de mon thé. Enfin juste devant moi, ce petit muret de béton grisâtre me ramenait à mon adolescence. J'y appuyai mon vélomoteur et sans attendre une seconde, retirai mes chaussures dans l'intention de sentir immédiatement le sable chaud sous mes pieds, pour ensuite m'étendre dessus , laisser le soleil brunir délicatement ma peau et puis surtout savourer ce premier moment d'intense communion avec l'eau qui remontait d'abord sur mes chevilles pour progressivement, au gré des vaguelettes, envelopper tout mon corps. Et ressortir de l’eau, la peau parfumée de sel, les cheveux mouillés et blondis par l'iode.

Depuis combien d'années n'avais-je pas pris le temps de me baigner vraiment, toute seule, pour retrouver ces sensations si réconfortantes, si relaxantes? Nager librement sans avoir le souci de surveiller l'un ou l'autre, sans devoir veiller au bien être des miens , ne m'était plus permis sous prétexte d'être mère. Alors que j'aimais tellement être bercée par le mouvement de l'eau comme je l'étais, là, en ce moment par celui du temps. Rien qu'à l'évocation de ces souvenirs d'antan si apaisants, je me sentis revigorée d'enthousiasme. Je ne pensais qu'à moi, je ne voyais plus que moi. Le temps était mien pour un instant. Je prêtai serment devant ce thé aux saveurs délicieuses de renouveler très rapidement cette expérience de solitude si régénérante. Je souris au serveur, qui l'air enjoué, me demanda si je désirai autre chose.Non, rien d'autre. J'avais tout ce qu'il me fallait. Mon thé, la mer et moi.

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